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K l e p t o r a m a

« Ainsi donc je suis une femme frivole, une femme free vol. Je m'en donne à coeur joie, plein la musette et le chic à la fête, dans les boutiques de luxe, de cosmétiques et de fanfreluches. Oui j’en veux moi aussi de ces crèmes anti-âge qui restructurent l’épiderme à grand renfort de sérum retenseur, de ces lifts reperfect qui nous en foutent plein les mirettes, de ces shampoings anti-casse qui font la brillance du siècle, de ces gloss protecteurs qui nous collent du collagène pour peindre la bouche hollywoodienne… Parce que je le vaux bien, je veux bien tant qu’à faire me tartiner du caviar La Prairie plutôt qu’une pauvre crème Diadermine bourrée de pétrochimie. Et rien que pour le fait que tous ces beaux produits mentent effrontément sur l’étiquette, parce qu’ils nous prennent pour des nouilles prêtes à gober des salades de jouvence aux carabistouilles, j’ai toujours jugé normal de ne jamais filer une thune à L’Oréal. Pas plus qu’à Clarins, Nuxe ou Vichy. J’utilise leurs produits comme ils rentabilisent leur rétinol : à coup d’arnaques et de foutage de gueule. Je m’en tamponne chaque jour jusqu’à "hydra + soif", teint provitaminé et lèvres repulpées, crinière en cascade et regard mascarade, et quand mes pots sont vides je retourne chez Nocibé remplacer les testeurs en rayon par mes anciens flacons, remplis pour le coup de crème fraîche pour bien faire illusion. Les testeurs ont cet avantage notable en cas de malencontreuse prise en flag’ : c’est écrit texto dessus "ne peut être vendu". »

 

Les invasions barbares chez Hédiard, la robine des soies chez Zara, la femme pirate à la Fnac…

<< … Partout la fripouille insatiable dépote et dépouille, chafouine chérubine qui sous son air de pas y toucher s’en fout plein les fouilles. Des sapes des soupes des slips des chips… Du chic du cheap du chouette du chiche… Tout ce qui rentre ne fait pas vente, mais profite à coup sûr dans mon antre dans mon ventre.

Renoncer un jour à tous ces petits plus, tous ces petits fours ? Abolir en somme les multiples manèges qui me donnent ces menus privilèges ? Voyons, mais pourquoi m’en priverais-je ? Déjà, quand on sait que dans leurs prix, les grandes surfaces incluent le manque à gagner dû aux «démarques inconnues» (10% paraît-il), il me semble pour le moins honnête de s’auto-escompter le même pourcentage sur ses emplettes. La moindre des choses en l’espèce est bien de se rendre en nature la monnaie de sa pièce. Jouer un peu les Zorro des euros. D’ailleurs je suis loin d’être un K unique dans ce genre de pratiques : en France, le vol à l’étalage et les menus maraudages sont un sport national. Il faut dire que les grandes surfaces poussent au crime et portent au vice avec leur mode de distribution en libre service. Et les Français sont un peu pilleurs dans l’âme, n’oublions pas : nos ancêtres les Gaulois paillards, nos aïeux les Francs barbares, nos honteux colons pillards… c’était pas très carré catho toute cette Histoire. >>

 

© Stéphanie Lopez

Cf pages 119-120 : la vie fait une fleur à Sibylle...

 

« Une fleur extra-terrestre avait surgi, comme un champignon comme un OVNI, son ovule fécondé dans la nuit. Plus fulgurante que l'impatiente, plus sophistiquée que l'orchidée,   ses stigmates écarlates avaient l'altesse du lys sans en avoir l'aristocrate banalité. »

 

Cf page 100, lorsque Sibylle s'exile en Guadeloupe. Un descendant Kalinas lui fait visiter sa case :

 

« En voyant le drapeau de pirate qui flottait sur le toit, j’ai dit tope-là mon ti-pote, ce tipi là il est pour moi. »

 

« Je vis au Moule comme un parasite accroché à toutes les allocs qu’on veut bien me verser. C’est l’apanage du chômeur frenchy que de pouvoir faire la moule ainsi, entre Pointe Allègre et Pointe à Lézard. (…)

 

J’entends souvent les touristes du Gosier critiquer les Antillais parce qu’ils les jugent trop assistés, et j’ai honte, franchement, pour tous ces métros qui ont la mémoire aussi courte que leurs shorts moulants. N’est-il pas normal, aujourd’hui, que la France raque cher pour tout ce qu’elle a raflé naguère ? Cet assistanat que certains békés osent encore reprocher n’est-il pas de bonne guerre ? Moi j’en dis que c’est un juste retour des choses : puisque la France a voulu ces îles à tout prix, eh bien qu’elle y mette désormais la CAF et l’assurance maladie. Faudrait pas non plus se méprendre sur qui vole quoi et à qui, dans l’histoire. Qu’on rende donc aux DOM-TOM la monnaie de leur pièce, et pour ces aides dérisoires, pitié, qu’on n’en fasse pas tout un pataquès. »

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